dimanche 31 août 2008

Politiques culturelles et chemises à fleurs *

Illustration: Le Bal. André Hambourg

VIE CULTURELLE

Le substrat intellectuel et culturel de notre belle région se suffit à lui même, il s'auto-nourrit, s'auto-satisfait des titanesques challenges boulistes, des gigantesques et innombrables courses de nos jolis toros nourris au bon foin de Crau dans ces magnifiques enclos des contreforts des Alpilles (dont ils s'échappent parfois et dont la capture et/ou l'abattage au fusil à lunette font les choux gras de la presse people), lâchés régulièrement et de plus en plus souvent, entre Pâques et La Toussaint dans leur second espace naturel qu'est la ville (ou le village), cité alors cadenassée comme s'il s'agissait de l'endémie du siècle; dès la nuit tombée et aussi le jour, chiant en galopant, poursuivis par les cris que l'écho amplifie, la fumée des brochettes et le rot du pastis, encornant de çi, de là, un hollandais rêvasseur ou une aventurière complètement bourrée.

Que neni les paysages peints par Van Gogh, d'ailleurs ils sont pleins de ronces et pour y arriver, il faut faire attention à ne pas mettre le pied sur un piège à renards.
Que faire d'un musée devenu entrepôt de machines outils après une trop longue moisson de chardons et dont les horaires d'ouverture ne collent pas vraiment avec notre temps libre à nous.

Aller à la bibliothèque, consulter quelques livres ,voir une expo de photos branchée ou assister à une conférence sur les traditions Provençales, m'apparait être une excellente idée, mais c'est toujours un peu difficile pour se garer en bas, sur le boulevard, ils sont rapides les agents municipaux, à chaque fois que je prends un P.V c'est toujours un nouveau qui me l'a mis sur le pare brise et comme je ne connais que les Saint Rémois...

La musique classique, on a bien essayé, mais dans l'église, ça nous fait de la peine.

On espère que cette année, il y aura un nouveau Festival de jazz, parce que cela fait maintenant trois ans qu'on a plus de musique... sauf dans les restaurants, Maryvonne, elle me le dit toujours, c'est bien le jazz qu'on préfère, on aime bien y aller, on rencontre des gens qui viennent d'ailleurs, après on va au restaurant avec les petits et cela me permet de porter la dernière chemise Oulivades que ma mère m'offre chaque année à mon anniversaire.

Pour la féria du 15 Août je les mets toutes, parfois je me change 2 fois dans la journée, les fins d'été sont chaudes depuis trois ou quatre ans...

La féria c'est un rituel, Maryvonne sort avec moi le 15 et parfois le 16, les autres jours elle reste au mas avec la famille, elle dit que deux jours de fête cela lui suffit, et puis on n'arrive jamais à la fin des apéros, quand ça arrive à la tienne, il y a toujours un nouveau camarade qui arrive pour une tournée supplémentaire, les amis, il n'y a rien de mieux!
Quand je suis avec eux, comme cela, je laisse mon esprit s'échapper du zoo que je lui ai construit et s'ouvrir assez largement afin de permettre à mon âme d'applaudir et de chanter.
Dieu qu'on est bien en Provence!

Léo
* Récit publié dans sa version originale dans le n° 5 de l'Olive (Eté 1999)

samedi 30 août 2008

Les Cabanons des Alpilles


Un hommage à Louis Poulet.

PAYSAGE



Immortalisés par Pagnol et Giono, comme beaucoup d’autres coutumes, les cabanons de la campagne Provençale vieillissent mal.
Dans les Alpilles, l’extrême état de vétusté atteint par bon nombre d'entre eux nous laisse penser qu'il est temps de leur consacrer images et littérature dans le but de conserver une forme de témoignage avant que le temps ne fasse définitivement son oeuvre et que disparaissent ces dépendances rurales après un siècle ou plus de services agricoles et d'instants de loisirs.
Suivez nous dans ce périple initiatique, découvrez cet aspect du monde rural Provençal, ces cabanons rustiques, pour la plupart abandonnés par leurs propriétaires mais faisant bien souvent partie intégrante de paysages charmants à vous couper le souffle.



Le Cabanon... celui de l’opérette marseillaise ?
Celui des pêcheurs du Vieux Port et de la Côte Bleue ?
Symbole des évasions dominicales, d’une fuite vers le soleil et l’enthousiasme avec pétanque et pastis ?
Non, simplement, le cabanon refuge des gens du travail !



Il surgit, dans un coin de terre, là-bas au fin fond des paluds, dans les vallons ou bien en haut des collines dans les Alpilles, toujours modeste avec ses variantes d’installation et des tentatives confortables à seule fin de rendre agréable ce paisible bâtiment dédié au labeur.



Généralement, une pièce avec un coin de cheminée, de rares ustensiles ménagers, un cruchon, un trépied pour les cuissons et bien rangés, les outils du travail du moment ou pour plus tard, ceux de la récolte.



Celui des Paluds est plus vaste, plus haut. A la pièce pour les gens s’ajoute l’étable du cheval, de la mule ou de l’âne, avec au-dessus un plancher pour entreposer le foin et devant le platane nécessaire pour un ombrage réparateur ou une treille de raisins gourmands.



Le cabanon, par son agencement extérieur, souligne le choix des propriétaires et atteste de son importance, tant ménagère que culturelle.
Son héritage est bien lointain, la forme la plus connue s’atteste en ces jours par les bories du Luberon, uniquement en pierres sèches, qui furent aussi bien des lieux d’habitat temporaire que des granges pour les récoltes.



Ici, entre Durance et Alpilles, le cabanon succède à la grange, cette première forme d’abri pour les récoltes ou les animaux. Elle régnait dans les campagnes lorsque l’habitat résidait à l'intérieur des remparts et que les gens venaient chaque jour sur les lieux de leurs travaux.



La grange fut d’abord une cabane, recouverte de paille et de végétaux. Comme telle, elle a sa fête, la fête des cabanes, incluse dans le calendrier des fêtes juives et elle se commémore par une sortie aux champs pour célébrer les moissons.



Puisque le rituel liturgique affirme sa lointaine existence, acceptons dans nos jours d’en voir la suite historique.
Le Souvenir du cabanon nous en donne toute la richesse, celle des espoirs, celle des jours laborieux, celle des plaisirs. Il ne pouvait y avoir de terres souvent éloignées du mas, sans leur cabanon, il était le deuxième abri du travailleur.



Le lieu exclusif d'une halte dans le labeur, le témoin des efforts, de ces instants de repos qui suivent les repas, moments de sieste ou de réchauffement auprès de l’âtre réduit.
Le cabanon imposait son défi aux intempéries, il représentait le signe évident d’une richesse qui donnait au paysan d’alors, le réconfort d’éviter la menace des éléments.
En dehors des saisons de travail, le cabanon permettait l’escapade, utile ou capricieuse, y aller signifiait un espace de liberté sur les obligations conventionnelles.



Plus tard, combien prirent le chemin du cabanon quotidiennement, pour y voir proliférer le jardin, ranger les outils, aménager un coin de confort douillet échappant aux servitudes ménagères, sans plus et pour l'après des indiscrétions, il faut imaginer d’autres escapades où le romantisme trouve sa place, sauf le respect absolu des convenances.
De ces temps, le cabanon demeure le témoin, des moeurs et des habitudes, des besoins et des plaisirs. Luxueux ou rustique, il justifie d'une époque où le travail s’accompagnait de célébrations rurales et païennes.



Un lieu libéré des conventions, un lieu de mémoire à respecter et, si quelques uns célèbrent encore cette cérémonie du retour au cabanon par une journée de détente et d’éloignement des servitudes de la cité; avec eux, observons les pans de murs qui se dressent, pignons démunis, portes béantes.



Parcourons les sentiers et les drailles, arpentons terres et collines pour y redécouvrir la joie et les plaisirs du cabanon.

Louis Poulet






Léo