dimanche 19 octobre 2008

La vingt quatrième pose.



Récit (1)

Rien ne vaut un bon petit déjeuner pour lutter efficacement contre cette sensation d'impuissance. Il venait de passer une nuit éprouvante à tenter une nouvelle fois de fixer sur image l'Effraie du Vallon Saint Clerg, celle qui contrairement à ses congénères qui ont choisi les ruines de Glanum, niche tout en haut du chemin, dans les cèdres en direction de la Caume.

Une nouvelle fois le papier était resté désespérément noir. Il cherchait d'où venait l'erreur, corrigeant les scénarios après coup, les polissant et les modifiant jusqu'à ce qu'ils prennent une tournure qui lui soit agréable. Était-ce le révélateur?
Les différents films qu'il avait utilisés jusque là n'étaient-ils pas adaptés à cette lumière de la nuit si spéciale de ce lieu hanté des Alpilles? Son pied avait-il une nouvelle fois bougé ? Lorsque la chouette, de manière lancinante avait crié et recrié comme pour annoncer aux habitants du Vallon qu'elle venait de pondre ses oeufs dans les astres. Sa sensibilité, cet état qui d'ordinaire donnait à ses photos une force que seuls quelques initiés pouvaient déceler, était durement touchée.

Il se réveilla en sursaut, les tympans bourdonnant d'avoir trop vibré sous la violence de ses rêves, la cafetière était renversée sur la table, le café dégoulinait dans sa chaussure gauche. Le manque de sommeil lui embrouillait l'esprit, mais il se devait un dernier effort, il ne pouvait pas abandonner après trois mois de patience et de traques nocturnes bi-hebdomadaires pour enfin voir apparaître dans le bain l'image de l'Effraie du Vallon Saint Clerg.

La prochaine nuit de pleine lune devait être après demain, les services de la météo prévoyaient donc une nuit claire, le mistral glacial de cette mi- décembre devant nettoyer toute traînée nuageuse, la luminosité nocturne serait donc à son maximum. l'idéal pensa t-il pour tenter une nouvelle fois - la dernière?- sa quête de l'instantané.

Le rodage, les habitudes prises ces dernières semaines étaient autant de points positifs, autant de conditions favorables n'avaient encore pas été réunies. Cependant le mistral devait forcir ces prochaines quarante huit heures, mais à quoi bon se plaindre de la pluie ou du vent puisqu'ils existent. Cette fois-ci, il en était maintenant persuadé, il réussirait; il avait tout analysé, tout prévu, ces derniers temps cette obsession lui avait fait négliger toutes les autres activités physiques ou de l'esprit qui étaient habituellement les siennes. Il avait joyeusement entassé des piles de livres et de publications traitant de l'Effraie et de ses habitudes, il avait même abandonné les quelques ouvrages soigneusement sélectionnés relatifs au sujet qui le passionnait plus que tout autre: le sexe.

En route vers les cèdres du Vallon Saint Clerg, en route pour cette ultime tentative. Il était dans une jubilation qui frôlait l'extase. Le chemin qui montait derrière Glanum lui était maintenant devenu familier, il se sentait en peine rédemption, semblable à quelque pieux chevalier quêtant le Graal.

La mise en place s'était avérée plus facile que les autres fois, la clarté exceptionnelle de cette nuit d'hiver lui favorisait la tâche. Objectifs, filtres, pellicules étaient à portée de main, deux pieds sur lesquels reposaient ses deux appareils les plus perfectionnés, permettaient les angles les plus subtils, son champ d'action n'avait jamais été aussi bon.

Dans l'attente, il esquissa quelques pas de danse.

"Que ceux qui dansent fassent preuve de prudence sous le plancher de la maison se tient le diable qui les menace."

Ce dicton des noirs d'Amazonie lui vint à l'esprit. Inutile, un haussement d'épaules lourd de dédain envers lui-même pour s'être laissé aller le ramena à l'essentiel.

Qu'elle était grande cette Effraie! Plus, beaucoup plus que les trente cinq à quarante centimètres habituels. Il distinguait chaque détail de son plumage à travers l'objectif, ses ailes rousses, son ventre très clair tacheté de gris, jusqu'à ses yeux cernés d'une collerette de plumes. Cette fois-ci, son long cri aigu ne l'avait pas perturbé.

Clic-clac... Clic-clac... Un premier, puis un second film issu du deuxième appareil. La plupart de ses prises de vue devaient être réussies.

Maintenant, il lui semblait que sa vie entière n'avait été qu'un prologue destiné à l'amener à cet état de grâce. Il dévala plus vite encore que d'habitude les cinq kilomètres du chemin, pour enfin s'installer dans le labo. D'ordinaire, ce périple lui semblait semé d'embuches, mais cette nuit-là, ce trajet était une arche chatoyante qui l'emmenait au dessus d'un Rubicon sacré.

Quelle effroyable sensation, quelle humiliation, le premier film était désespérément noir. Rien, absolument rien, ni les branches du cèdre, ni les étoiles, ni même la lune et encore moins de chouette... Mais dans les cas les plus désespérés, il se réfugiait dans cette obstination qui devenait alors un talent, pour transformer les inconvénients en avantages. Il se dit qu'à coup sûr, le second film était le bon, d'ailleurs il l'avait bien perçu lors des prises de vues, l'Effraie lui avait même fait un signe d'acquiescement en dodelinant de la tête en lui décochant une bonne dizaine de clins d'oeil.

Boire maintenant ? Quel intérêt ?
Il balaya cette intention, cette bouteille de Dom Pérignon, il la boirait bien entendu, mais après, seulement après...

A la vingtième pose, alors qu'une démoniaque sensation d'abandon commençait à l'envahir, la première image apparut. Floue, mi homme, mi oiseau, pas de branches, pas d'arbres, pas d'étoiles, seule la lune, derrière, ironique et joufflue.

La vingt et unième était déjà plus nette, il avait légèrement modifié la durée du bain, les contours du sujet étaient précis, on dirait un enfant avec des ailes.

La vingt deuxième accentua sa frénésie, il mourrait de soif et de grosses gouttes de sueur s'écoulaient sur ses tempes et entre ses omoplates. Il y avait la lune, et devant souriant, serrant dans ses petites mains potelées un instrument de musique qui ressemblait à une trompette, se tenait un ange.

Au vingt troisième cliché, l'ange avait porté la trompette à sa bouche et l'on devinait sur l'image le son aigu qui devait en sortir.

Le développement de cette photo, la vingt quatrième pose, n'était pas simple; des tremblements convulsifs agitaient ses mains, il lui devenait très difficile de ne rien renverser, de pouvoir encore se concentrer sur cet instant, il irradiait de bonheur, il chantait, il parlait, il s'était même pissé dessus.

L'ange était là, sur le papier, il jouait de la musique et le regardait lui, le photographe.

Léo

“Il existe sur la terre un monde d'imagination où abondent les formes animales qui s'ébattent et font de la musique.”
Vincent Doucet

jeudi 16 octobre 2008

A la recherche de l'identité des Alpilles!



En remontant l'Arietade (1)...

Dieu que le titre de cet article est ronflant!...
Au départ de l'idée il y a le Parc, oui, le Parc Naturel Regional des Alpilles, PNRA pour les initiés, à vrai dire il y a un petit moment qu'on tournait autour, on se demandait seulement où on allait pouvoir trouver l'angle d'attaque, le créneau porteur, eh bien voilà c'est une question d'identité!
La journée des Parcs à la fin septembre nous avait pourtant inspirés, mais voilà ce fut mitigé comme ambiance, buffet un brin restreint et les Saint Rémois ne se sont pas vraiment déplacés pour fêter le Parc, logique aussi c'était un jour d'Abrivado, pendant les fêtes de Saint Rémy...

Identité donc, bien vu, car les grands travaux sont maintenant programmés, les équipes se mettent en place et nous allons bientôt entrer dans le concret... sur le terrain.

Ainsi donc 24 personnalités représentatives du territoire vont être prochainement passées sur le grill d'une éminente sémiologue afin de lui raconter "leurs" Alpilles, secrètes ou publiques et le verdict ne tardera pas, ces 24 cartes postales seront le reflet de l'ambiance dans laquelle nous vivons, le témoignage de notre existence, nous aurons une âme véritable, celle que l'institut Cassiopé nous aura fabriquée.

Bientôt les implants?

(a suivre...)

Léo